Nous avons, en chacun de nous, un besoin fondamental de diviser l’humanité en deux parties. Ceux qui préfèrent les chiens aux chats. Ceux qui mangent de la coriandre et ceux qui la recrachent. Ceux qui préféreraient mourir de dire chocolatine plutôt que pain au chocolat. Bref, des exemples, il y en a des tonnes, il y a même un super bouquin qui les recense.
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Pourquoi est-ce qu’on aime tant ça ? D’abord, parce que ça génère des guéguerres marrantes, on va pas se mentir. Et puis, mine de rien, ça remet un peu en perspective la vision que l’on a de soi. Ça ne remplace pas une psychanalyse, non, mais se ranger dans pareille catégorie permet de conscientiser un petit trait de personnalité supplémentaire, fût-il minime.
Aussi ne faut-il pas se gêner de la partager aux autres dès lors que l’on trouve une nouvelle distinction fondamentale au sein de l’espèce humaine. Et c’est exactement ce qui s’est passé, ce matin, quand je suis arrivé dans une demeure étrangère où j’avais besoin de me connecter au Wifi.
Pour la énième fois de mon existence depuis que les box Internet existent, je me suis vu en train de galérer à recopier le code Wifi de mes hôtes, une énième suite de chiffres et de lettres à rallonge sans queue ni tête que même Tolkien n’aurait pas pu inventer.
L’épiphanie sentencieuse a surgi au beau milieu de ce chemin de croix, où j’ai compris qu’il y avait deux sortes de gens en ce bas monde : ceux qui customisent le mot de passe de leur Wifi (aka “clé de sécurité”), et ceux qui ne le font pas. C’est aux premiers que nous souhaiterions rendre hommage aujourd’hui.
Car il faut se rendre à l’évidence : se débarrasser du mot de passe d’origine scotché sur la box est, fondamentalement, un acte altruiste. La raison est toute simple : changer une clé Wifi pour soi ne sert quasiment à rien, puisque la plupart des gens ne font rentrer que très peu de nouveau matériel chez eux. Une fois son propre ordi connecté au Wifi, on n’y touche plus, donc aucun intérêt direct à changer le mot de passe.
Changer sa clé Wifi, c’est donc penser aux autres (Matthieu Ricard n’aurait pas mieux dit) : c’est faire un geste pour ses amis, à sa famille, à tous ces gens de passage et de voyage qui viendront avec leur ordinateur (ou leur smartphone) et qui ne seront pas obligés de se ruer sur la box en arrivant. Ils ne seront pas découragés d’avance par l’ampleur de la tâche qui les attend. Ils ne seront pas obligés non plus de tanner leur hôte pour qu’il leur dicte le mot de passe (car lire et taper en même temps, c’est trop difficile).
Ces gens-là qui changent leur mot de passe par pur altruisme, s’ils ne sont pas geekos, ont aussi dû se farcir des tutos pour aller faire leurs bidouillages dans leur interface d’administration de la box. Une jungle intimidante quand on s’y aventure pour la toute première fois.
Pour ajouter à ce portrait flatteur, ces gens-là, je l’ai souvent constaté sont de grands créatifs : ils choisissent généralement un mot de passe marrant qui, immédiatement, fera office d’ice-breaker et affichera la couleur, celle de l’hospitalité.
Enfin, ces gens-là, même s’ils ne le savent pas, prennent un gros risque par pure grandeur d’âme ; leur nouveau mot de passe sera sûrement plus facile à cracker que celui d’origine qui était bien plus fort car très long et incompréhensible.
(Intermède pour ces gens bien : mettez bien des chiffres, des lettres, des symboles, des majuscules, des minuscules, tout en restant créatifs).
Quant aux autres, les grands égoïstes du Wifi, que peut-on en dire ?
N’incriminons pas tous ceux qui ne savent pas qu’ils peuvent changer leur clé de sécurité Wifi. Ce sont souvent de vieilles personnes, que leurs enfants ou petits-enfants ont oublié d’éduquer, et qui n’ont jamais utilisé un ordinateur ailleurs que chez eux, et qui ne peuvent donc pas savoir que c’est possible.
En revanche, le cas de ceux qui savent est plus troublant. Ceux qui le savent le savent parce qu’ils ont déjà mis les pieds chez des personnes altruistes qui avaient customisé leur code Wifi. Ces gens-là, à l’âme trouble, ont profité d’un service généreux, sans le rendre en retour.
Pour quelle raison ? Parce que l’interface administrateur est trop difficile à trouver ? À d’autres. Parce qu’ils auront un mot de passe moins sécurisé ? Ils ne le savent probablement pas.
Accordons-leur le bénéfice du doute : les égoïstes du Wifi ne sont pas probablement pas conscients des désagréments qu’ils provoquent.
Pour rendre le monde meilleur et fluidifier les hospitalités, il suffirait d’aller leur parler pour leur exposer la situation. Peut-être changeraient-ils leurs habitudes ? Optimiste naïf que je suis, je pense que oui.
La dernière box de Free semble avoir pris conscience de ce fléau. On peut y choper la clé Wifi avec un simple QR code. Why not. Mais qu’on se le dise : ce gadget technologique n’est qu’un vulgaire pansement. Il n’effacera pas la distinction entre les altruistes du Wifi et leurs doubles maléfiques.
Vous connaissez des gens qui refusent délibérément de changer leur clé Wifi alors que vous leur avez expressément demandé ? Ou bien vous avez une autre histoire à nous raconter sur le Wifi ? N’hésitez pas à nous écrire : hellokonbinitechno@konbini.com