5 infos chocs qu’on a retenues du docu Hypermarchés, la chute de l’empire

5 infos chocs qu’on a retenues du docu Hypermarchés, la chute de l’empire

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Par Antonin Gratien

Publié le

Pressions abusives, travail contraint… Bienvenue dans les sordides coulisses d’un commerce régi par la loi du plus fort.

On s’y rend pour acheter ses fruits, ses légumes. Quelques habits, parfois. Voire un peu de fournitures scolaires. Avec leurs grandes allées et ces étalages XXL qui ont l’air de promettre qu’on pourra toujours y trouver, quelque part, ce qu’on désire (à prix cassé, s’il vous plaît), les hypermarchés font partie intégrante de nos quotidiens. Mais, au fond, que sait-on de la grande distribution ?

Réalisé par Rémi Delescluse, le documentaire Hypermarchés, la chute de l’empire (2021) apporte de précieux éclairages sur ce secteur en déclin. Autrefois assurance d’un commerce rayonnant, le principe né dans les sixties du “tout sous le même toit” a du plomb dans l’aile. Trop lié à la consommation de masse. Trop démesuré aussi, à une époque de retour au local. Et de floraison de l’e-commerce.

Cette crise du secteur pousse plusieurs mastodontes à user de tous les coups pour survivre. Jusqu’à tomber dans des pratiques épinglées comme “abusives” par la loi. Ou projeter des modèles d’avenir qui pourraient bien représenter une menace, sur le plan de l’écologie et du respect des libertés individuelles. Voilà les 5 infos clé du docu qu’on a retenues sur les arrière-cuisines pas toujours reluisantes, sinon carrément nauséabondes, de la grande distribution. Attention, ça éclabousse.

1. Des fournisseurs contraints au travail bénévole

L’équation est simple. Pour demeurer attractives, les groupes hégémoniques baissent leurs prix. Seulement voilà, au-delà d’un certain seuil, les rabais empêchent de dégager du bénéfice. Alors, les géants de la distribution grattent là où ils peuvent : du côté des fournisseurs. À visage masqué, un producteur local explique que les distributeurs exigent sans cesse qu’il participe à “l’effort de guerre” en faisant chuter ses tarifs. Quitte à ce que cette perte de revenus mette en péril certains postes de son entreprise – voire sa société tout entière.

En plus d’exiger des tarifs sans cesse plus faibles, certaines enseignes se rendraient aussi coupables de “délit de marchandage”. Une pratique illégale consistant à demander aux fournisseurs de travailler directement en magasin. En faisant des inventaires à titre gracieux, par exemple. Et si le fournisseur refuse d’offrir ce “service gratuit” ? Ce serait, peut-être, voir ses produits mis de côté en rayons. Voire subir une cessation de collaboration. Un risque que certains fournisseurs, craignant la faillite, le couteau sous la gorge, ne peuvent prendre.

2. Des négociations intimidantes

Les discussions de baisses tarifaires des produits exigées par les enseignes auprès des fournisseurs s’inscrivent dans un rapport de force complètement déloyal. Parfois, un distributeur assure 25 % des revenus d’un fournisseur tandis que le fournisseur ne représente que 7 % du chiffre de revenu de la grande surface. Certains groupes n’hésitent pas à abuser de cette position de domination pour “scénariser” les échanges selon Silvia Bravard-Meunier, chargée de négociation chez ADN groupe.

“Parfois le chauffage est à fond sans raison, parfois tout est ouvert et il fait froid. On a eu des chaises bancales […], des remarques sexistes […] plusieurs éléments d’inconfort qui font partie d’une scénarisation assumée”, témoigne-t-elle.

3. Des services facturés à un million pour… du vent ?

Afin de lutter contre la montée en puissance de certains fournisseurs industriels, plusieurs titans de la grande distribution ont coordonné leurs forces en créant des centrales d’achat communes. Par le biais de ces structures chargées d’assurer les négociations auprès des fournisseurs, certains producteurs se seraient vus facturés pour des sommes astronomiques plusieurs services dérisoires. Voire complètement bidon.

Plusieurs témoins affirment avoir réglé 400 000 euros pour l’organisation… d’un simple rendez-vous. Certains affirment même avoir dû verser 1 million d’euros en échange de statistiques inutilisables. Une situation contre laquelle s’était élevé Nestlé en 2018. La multinationale avait engagé un bras de fer avec la centrale AgeCore (qui comptait notamment dans ses rangs Intermarché jusqu’à l’an dernier) en refusant de se soumettre à ce type de transaction que certains fournisseurs, dans le documentaire, n’hésitent pas à qualifier de “racket”.

Mais le géant de l’agroalimentaire a fini par ployer. Pour la simple et bonne raison qu’en réponse à la position de Nestlé, AgeCore aurait chapeauté la disparition progressive de tous ses produits en rayons. Une méthode de pression qui serait, selon plusieurs intervenants, généralisée. Et sur laquelle s’était penchée une commission d’enquête parlementaire en 2019.

4. Les “vaches à lait” de la grande distribution

La formule a de quoi surprendre. C’est pourtant celle employée en interne par les grandes surfaces pour désigner les franchisés, selon Jérôme Coulombel, ancien directeur juridique contentieux à Carrefour (1991-2018). Selon l’ex-cadre, 85 % des magasins du groupe seraient des franchisés. Et cette foule de points de vente permettrait à la maison-mère de dégager du bénéfice.

La méthode ? Contraindre contractuellement ses distributeurs à acheter leur produit auprès de Carrefour. Et à prix fort. Dans le documentaire, le responsable d’un franchisé se plaint que ses tarifs de vente soient bien inférieurs à ceux des Carrefour non franchisés. Reste à claquer la porte, direz-vous ? Quitter le groupe, devenir indépendant peut-être. Pas si simple. L’enseigne veille à ce que les franchisés demeurent pieds et poings liés sous sa bannière en mentionnant, par contrat, qu’ils ne puissent pas quitter son giron avant… 99 ans.

5. Les périls de l’hypermarché du futur

Pour terrasser la concurrence, les acteurs de la grande distribution doivent se démarquer. En rachetant la chaîne de supermarché Whole Food pour 13,7 milliards en 2017, Amazon était entré dans le secteur avec la force et la violence d’un raz-de-marée. Immédiatement, le géant de l’e-commerce a apporté sa personal touch à cette célèbre chaîne de distribution US, en constituant un écosystème articulé autour du digital, où les clients Prime bénéficient de prix (ultra) cassés et où chacun peut échanger des colis via un point relais en magasin. Aussi, et peut-être surtout : Amazon joue la carte de la plus-value en appliquant sa politique de retour gratuit avec… l’alimentaire. Oui, oui, l’alimentaire.

Le documentaire suit la trajectoire d’un paquet de café retourné qui part de Paris pour s’échouer à quelques 1 700 km de là, en Serbie, dans un centre de traitement des déchets. Il sera jeté aux côtés de milliers d’autres produits, puisque aucun consommable retourné ne peut réintégrer les rayons – même si la date de péremption n’a pas expiré. Le coût énergétique de cette politique est exorbitant ; le gaspillage impliqué, pharaonique.

Autre modèle, autre péril côté chinois. Dans ce pays au 1,4 milliard de consommateurs potentiels fleurit la chaîne de distribution 7Fresh, piloté par l’e-commerçant jd.com. La spécificité de l’enseigne ? Tout miser sur l’ultra-connecté. En utilisant son smartphone, le client peut obtenir sur n’importe quel aliment à l’étalage une flopée d’informations. Ingrédients, provenance…

Le tout agrémenté d’un système de like et de commentaires. Évidemment présenté comme révolutionnaire et bénéfique pour le chaland, ce modèle pourrait bien alimenter un peu plus l’ogresque dispositif de collecte de données utilisateurs déjà à l’œuvre en Chine. Celle-là même qui est utilisée par le régime, notamment, dans le cadre du “système à point”. Le modèle de l’hypermarché tel que nous le connaissions pourrait bien connaître ses dernières années – pas sûr qu’on ait hâte de voir sa relève.