“Chambre de mes parents”, “deux amies”, “grand-père”. Entrer dans l’exposition “Cache-cache”, à la galerie Perrotin, c’est s’inviter dans une chambre d’enfant, celle que partagent cinq jeunes artistes, à commencer par Elené Shatberashvili. Une fois l’escalier en acier passé, le lieu est immédiatement bercé par ses souvenirs flottants, de ses proches, de son paysage natal, de sa maison d’enfance… Dans un tableau, son aïeul apparaît par transparence sur son front. Dans un autre, elle pose aux côtés de sa meilleure amie, à la manière des Deux Fridas, de Kahlo.
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Plus loin, une peinture de Nathanaëlle Herbelin, Sleep, nous ramène à ces grasses matinées que l’on passait, ado, dopé·e·s à la mélatonine et aux hormones en folie. Dans la salle qui suit, Dora Jeridi réinterprète un traumatisme d’enfance : le coin, où l’on punissait tou·te·s les perturbateur·rice·s de classes d’école.
Elené Shatberashvili, Grand père, 2018. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Puis, quand on se rend dans la pièce dédiée à Adrian Geller, c’est comme s’allonger dans un champ d’herbe, passer sa journée à observer les scarabées, à la recherche de cités perdues miniatures, les sens en éveil et le cœur reconquis par notre âme d’enfant sauvage et curieux.
De son côté, Nino Kapanadze illustre de manière plus vague et évanescente les fantômes de son archive personnelle, les démons intérieurs, les troubles et confusions qui animaient ses insomnies, à l’instar de Troubled Waters, Troubled Sky and My Red-Neck Falcon ou de The Night Is Darkening Around Me, en référence à un poème d’Emily Brontë.
Nino Kapanadze, The Night Is Darkening Around Me (d’après un poème de Emily Brontë ; autoportrait d’adolescence), 2022. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Tou·te·s ces artistes sont réuni·e·s dans une exposition collective introduite par une citation de Marcel Proust, l’auteur le plus introspectif et Cancers de la littérature française : “Le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant.” Dans cet “édifice immense du souvenir”, dans ce mausolée de l’innocence, la vingtaine d’œuvres présentées rejoue, reconstruit, réimagine et revisite des souvenirs d’enfance propres à chacun·e, avec tout ce que la mémoire a de défaillant, de difforme, de distendu, de distorsion, de fragments.
“Pour le jeune enfant qui ne possède pas de réel repère de temps et d’espace, le jeu de cache-cache est salutaire. Il lui permet d’envisager que lorsque l’adulte n’est plus visible, il ne disparaît pas complètement, et le plaisir de la réapparition engendre la surprise et le cri nerveux du soulagement.
À partir de ce postulat, les cinq artistes présentés ont été invités à sonder les inconscients et les clairs-obscurs de leurs souvenirs. Proust avait intuitivement saisi l’importance de l’introspection, le traumatisme psychique sur le développement des conflits inconscients de l’enfant, sur son caractère, son identité, sa sexualité, jusqu’à la perte et le deuil”, détaille la galerie parisienne.
Puisant dans le genre de l’autofiction, de l’album de famille et dans leur mélancolie, ces jeunes artistes parlent ici autant à l’enfant que nous étions qu’à celui que nous regrettons.
Elené Shatberashvili, Chambre de mes parents #2, 2019. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Nino Kapanadze, Untitled (Autoportrait d’enfance), 2022. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Nathanaëlle Herbelin, Sleep, 2022. (© Tanguy Beurdeley/HERBELIN/ADAGP, Paris, 2022/Galerie Perrotin)
Nino Kapanadze, Troubled Waters, Troubled Sky and My Red-Neck Falcon (abstract), 2022. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Elené Shatberashvili, Tusheti, 2020. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Nino Kapanadze, April Fool, 2022. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Nino Kapanadze, Hide and Seek, 2022. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Vue de l’exposition “Cache-cache” et des œuvres d’Elené Shatberashvili à la galerie Perrotin, 2023. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
Vue de l’exposition “Cache-cache” et des œuvres d’Adrian Geller à la galerie Perrotin, 2023. (© Tanguy Beurdeley/Galerie Perrotin)
“Cache-cache”, avec Adrian Geller, Nathanaëlle Herbelin, Dora Jeridi, Nino Kapanadze et Elené Shatberashvili, est à voir à la galerie Perrotin, à Paris, jusqu’au 25 février 2023.