Le festival d’Angoulême annule l’expo consacrée à Bastien Vivès, accusé de pédopornographie

Le festival d’Angoulême annule l’expo consacrée à Bastien Vivès, accusé de pédopornographie

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Photo by JOEL SAGET / AFP

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Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

Le célèbre bédéaste devait être mis en avant dans une exposition au Festival d’Angoulême.

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Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a annoncé mercredi l’annulation d’une exposition consacrée au dessinateur Bastien Vivès après les “menaces” reçues par cet auteur d’œuvres polémiques mêlant pornographie et mineurs.

“Des menaces physiques ont été proférées vis-à-vis de Bastien Vivès. Il n’est dès lors pas possible pour l’événement d’envisager que sa programmation puisse faire peser de tels risques sur un auteur et, potentiellement, dans quelques semaines, sur ses festivaliers”, a écrit la direction du Festival dans un communiqué.

Le monde de la BD était secoué depuis quelques jours par une polémique autour des honneurs réservés au Festival d’Angoulême fin janvier 2023 au dessinateur vedette Bastien Vivès, accusé de promouvoir l’inceste et la pédocriminalité.

Auprès de certains de ses pairs et de personnalités engagées pour la défense des mineurs, cet honneur réservé aux plus grands ne passe pas. En cause : plusieurs titres qui mettent en scène des mineurs face au sexe, avec des schémas parfois incestueux et des déclarations polémiques sur ce sujet.

Dans Une sœur en 2017, une fiction réaliste adaptée à l’écran (dans Falcon Lake de Charlotte Le Bon, actuellement en salle), un garçon de 13 ans a des relations sexuelles, pendant des vacances en bord de mer, avec une fille de 16 ans.

Bien moins réaliste, Les Melons de la colère en 2011, ainsi que La Décharge mentale (les deux étant publiés chez BD Cul, maison d’édition spécialisé dans l’érotisme) et Petit Paul en 2018 montrent des relations sexuelles entre mineurs et majeurs. Face à des accusations de pédopornographie, Cultura et Gibert Joseph avaient cessé de vendre Petit Paul.

Glénat se défendait en 2018 :

“Aussi obscène et provocatrice qu’on puisse la considérer, cette œuvre de fiction n’a jamais pour vocation de dédramatiser, favoriser ou légitimer l’abus de mineur de quelque manière que ce soit.”

À 38 ans, Bastien Vivès a pratiqué le roman graphique sophistiqué (Polina, 2011), le “manga à la française” (Lastman, 2013-2019) ou encore la reprise du personnage de Corto Maltese (Océan noir, 2021).

Sous pseudonyme

Cette star du 9e art doit être à l’honneur avec l’exposition “Dans les yeux de Bastien Vivès”, prévue à Angoulême pendant le festival de la bande dessinée, fin janvier.

Une pétition en ligne, dénonçant “la banalisation et l’apologie de l’inceste et de la pédocriminalité” et exigeant la déprogrammation de l’exposition, avait recueilli à l’heure où l’on écrit cet article 102 000 signatures. Elle a été lancée par Arnaud Gallais, fondateur du mouvement BeBrave France qui milite contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

La militante féministe Caroline de Haas estime de son côté :

“J’en ai rien à cirer que ce mec ait le droit de faire ses BD immondes (je ne suis pas pour l’interdire). Juste on peut demander que le principal festival de BD évite de le mettre en avant.”

Outre certaines BD, les détracteurs de Bastien Vivès ont relevé d’anciennes prises de position. “L’inceste, moi, ça m’excite à mort”, lançait-il dans un entretien avec le magazine Madmoizelle en 2017. Pour ses défenseurs, il est évident qu’il plaisantait.

Il ne riait sans doute pas en revanche quand il s’en prenait, caché derrière un pseudonyme sur Facebook, à une autre autrice de BD, Emma, révélée en 2017 avec la publication d’une série de dessins féministes qui avait popularisé le concept de charge mentale. “Message niveau 2 ans d’âge mental”, “ne sait pas dessiner”, et appels à la violence sur les enfants de la dessinatrice… Lundi, Emma republiait ces messages vieux de cinq ans et qualifiait Bastien Vivès d’auteur de plusieurs “BD pédopornographiques”.

“Beaucoup de menaces”

Aujourd’hui, cette virulence s’est retournée contre l’auteur, qui a expliqué avoir “reçu beaucoup de menaces sur les réseaux” et avoir déposé une main courante. “J’ai largement de quoi déposer plainte. On m’y encourage mais je ne suis pas très procédurier”, a-t-il déclaré au Parisien lundi, répétant :

“Non, je ne suis pas pédophile et non, ce n’est pas mon fantasme. Si on veut lire honnêtement mes œuvres, on s’en rend compte facilement”.

La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a estimé mardi que “certains propos” passés de M. Vivès “ne sont pas acceptables”, en disant “comprendre l’émoi”, dans une interview au Parisien. Mais “ce n’est pas l’exposition en elle-même qui pose problème”, a-t-elle souligné, ajoutant qu’on “ne peut pas réduire cet auteur à deux bandes dessinées et quelques phrases dites en interview”.

Des auteurs ont pris position dans le débat, certains soutenant M. Vivès comme Jean-Marc Rochette, estimant sur Facebook que ce dernier était cloué “au pilori sans autre forme de procès”.