On a pris des nouvelles de The Kooks, groupe culte de toute une génération

On a pris des nouvelles de The Kooks, groupe culte de toute une génération

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The Kooks © Andrew Whitton

“Voir des gamins découvrir notre premier album dix ans après, ça a été un réel boost de confiance”

Konbini | Vous aviez un peu disparu des radars ces derniers temps… Que s’est-il passé ?
Luke Pritchard | Suite au départ de nos membres originaux [le bassiste Max Rafferty a quitté le groupe en 2008. Le batteur Paul Garred est parti l’année suivante à cause d’un problème de santé, puis définitivement en 2012, ndlr], on a perdu un temps notre dynamique de groupe… À tel point qu’on a pensé plusieurs fois à arrêter.
À côté de ça, il y a eu quelques accrocs… On a quitté notre label après notre quatrième album Listen [sorti en 2014, ndlr] et j’ai vécu une très mauvaise expérience avec une fille, qui m’a quitté pour un autre. Ce n’était pas très cool comme période. Ça aurait pu être bénéfique, parce qu’on dit que l’on doit être triste ou heureux pour écrire des chansons, mais je n’étais ni l’un ni l’autre. Je ne savais pas ce que je voulais dire, où je voulais aller…
On a passé plusieurs mois à travailler avec Inflo [producteur de hip-hop avec qui ils ont travaillé sur Listen, ndlr], mais rien n’était concluant : on avait de très bonnes mélodies, mais elles n’allaient nulle part… On était perdus. On en était même à se demander : “Putain, mais c’est quoi The Kooks ?” On a finalement tout lâché pour la tournée [de l’album The Best of… So Far, sorti en 2017, ndlr]. Quand elle a pris fin, on a rencontré un nouveau producteur et on a recommencé.
Au milieu de tout ça, qu’est-ce qui vous a convaincus de tenir ?
Les fans… Sans vouloir tomber dans la niaiserie [rires]. Ils nous ont offert un soutien inconditionnel. On ne s’y attendait vraiment pas. Au final, on a surtout compris qu’on n’était rien sans notre audience. Et puis voir des gamins découvrir notre premier album dix ans après, ça a été un réel boost de confiance !
Cette audience, vous l’avez vue évoluer avec vous ?
Oui et non ! C’est marrant parce qu’on pensait que la foule allait vieillir avec nous, mais on remarque que nos concerts restent assez “teens”. Ce ne sont juste pas les mêmes jeunes qu’à nos débuts ! Ceux d’aujourd’hui nous ont découverts grâce aux plateformes de streaming… C’est étrange mais c’est cool. Très cool, même. Parce que vous avez forcément envie que votre musique soit intemporelle et parle à toutes les générations.

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“On ne peut pas oublier une personne sans tomber amoureux d’une autre”

Sur le morceau “Kids”, vous dénoncez les travers de la société contemporaine. Sans affirmer que c’est “l’album de la maturité”, est-ce que vous ne seriez pas un peu plus pessimistes – pour ne pas dire moins naïfs – qu’à vos débuts ?
Je vois ce que tu as fait là [en référence à “Naive”, leur plus gros succès, ndlr] ! [Rires.] Pas vraiment. Plutôt l’opposé en fait ! Je me sens beaucoup plus calme et moins anxieux qu’avant. J’ai toujours eu du tempérament, mais on dirait qu’il s’adoucit avec l’âge et l’arrivée des cheveux gris [rires].
Après, il y a toujours des bagages. Mais j’essaie progressivement de les abandonner. J’ai toujours eu énormément de colère en moi, contre la vie, la société… Le fait que notre génération ramasse les putains de pots cassés de la précédente… L’écrire dans “Kids” m’a permis de me défouler. Le processus entier de l’album a été cathartique : dès que je mettais les mots sur ce que je ressentais, le sentiment partait et j’étais apaisé. C’est ce qui est génial dans la musique au fond. C’est une libération.
De quoi avais-tu besoin de te libérer en particulier ?

D’un chaos sentimental. L’album entier reflète ce que j’ai traversé à ce niveau-là ! Au début de l’écriture, j’étais très remonté contre cette fille qui venait de me quitter pour un autre. On le sent parce qu’on y retrouve pas mal de chansons énervées : “Kids” est un premier doigt d’honneur, “Not Fully Close” en est un autre et “Swing Low”, un dernier… On retiendra qu’il vaut mieux se défouler dans la musique qu’ailleurs ! [Rires.]
Et puis au milieu de l’album, je suis tombé amoureux d’une autre fille [la chanteuse Ellie Rose, aujourd’hui sa fiancée, ndlr] et j’ai écrit la suite dans la magie des premiers mois. J’ai eu envie de faire un Rubber Soul moderne [album des Beatles sorti en 1965, ndlr], quelque chose de vraiment romantique. Beaucoup disent qu’ils écrivent leurs meilleures chansons quand ils sont tristes, mais le bonheur a apporté énormément d’énergie sur cet opus.

if a weirdo like me can find love - there’s hope for everyone. Cheers

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Pour être honnête, Let’s Go Sunshine a surtout été le moyen de laisser partir quelqu’un de mon passé. Je le réalise seulement maintenant, particulièrement sur le morceau “Fractured and Dazed”… La leçon que j’ai retenue, une fois l’album terminé, est qu’on ne peut malheureusement pas oublier une personne sans tomber amoureux d’une autre.

“Si je pouvais parler à mon ‘moi plus jeune’ aujourd’hui, j’aurais pas mal de choses à lui dire”

Sur cet album, on note des références à Bob Dylan (“But I’m just blowing in the wind”), Serge Gainsbourg (“Initials for Gainsbourg”) et The Who (“The Kids Are (Not) Alright”) dans les paroles, l’influence des Beach Boys ou des Beatles dans la mélodie… Il y a définitivement quelque chose avec le passé, non ?

Je pense que ça illustre surtout notre philosophie, qui consiste à “chercher l’inspiration dans le passé pour en faire quelque chose de moderne”. C’est la meilleure forme de créativité. Faire du tout neuf reste assez facile, mais réinventer la tradition… c’est intemporel !
Et puis ça permet de perpétuer un héritage important. C’est ce que j’ai fait de manière plus personnelle sur “Honey Bee”, où j’ai placé ma voix sur cette chanson écrite et enregistrée par mon père [décédé alors que Luke était enfant, ndlr].

On sent pourtant une once de nostalgie sur “Fracture and Dazed”, où tu écris “Shadows of youth, never a greater sorrow” (“Il n’y a pas plus grand tourment que les ombres de la jeunesse”)…

C’est vrai, et merci de l’avoir remarqué ! Mais non, étonnamment, nos années folles ne me manquent pas du tout par exemple. Je préfère la sobriété [rires]. Il faut dire qu’on a quand même fait beaucoup de mauvais choix à l’époque… On était très jeunes quand Inside In/Inside Out est sorti [en 2006, ndlr] et je pense qu’on n’était pas préparés à toute cette folie.
On était des gamins un peu timides, auxquels la gent féminine ne prêtait pas attention… et on l’a contrebalancé. D’un coup, tout a été très intense : il y a eu beaucoup d’interviews, de filles, d’alcool, de drogues… On s’est laissé distraire et c’était une erreur.
J’ai eu la chance d’en sortir au bon moment, en comprenant qu’un album implique beaucoup de travail et qu’on ne peut pas se pointer au studio bourré tous les jours. Même si c’était drôle parfois, si je pouvais parler à mon “moi plus jeune” aujourd’hui, j’aurais pas mal de choses à lui dire.

Parmi ces erreurs, il y en a une que vous regrettez particulièrement ?
Je dirais Glastonbury [le groupe s’y est produit en 2007 et 2014, ndlr]. D’un côté, c’était génial. Mais de l’autre… Nous n’étions pas forcément dans notre état normal… Et c’est vraiment dommage de ne pas être entièrement présent dans un moment pareil. À cette époque, j’avais beaucoup de problèmes, de sentiments que je n’arrivais pas à gérer…
Il m’arrivait de passer des soirées à prendre de la cocaïne tout seul et à me dire que j’étais pitoyable. J’avais surtout beaucoup de mal avec cette vie sur la route. En tournée, on buvait pour contrer l’ennui en se disant “encore un putain d’aéroport, encore un putain de quai de gare”… C’était horrible. Et en même temps, c’est ce qui nous permettait de monter sur scène et d’être heureux… Donc on en garde un souvenir doux-amer.

Assez parlé du passé dans ce cas… Parlons plutôt du futur ! Comment tu l’imagines ?
J’espère avoir assez d’inspiration pour continuer à écrire des choses pertinentes et faire au moins dix albums. C’est drôle, parce que même si tout change très vite dans la vie, on appréhende toujours la musique sur le long terme… C’est à ça qu’on reconnaît une passion, j’imagine ! Au final, à ce niveau-là, je pense que la meilleure réponse c’est : “On verra !”
Let’s Go Sunshine, le cinquième album studio du groupe The Kooks, est disponible depuis aujourd’hui, vendredi 31 août 2018.