À l’occasion des 30 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, France Inter et Konbini s’associent à l’UNICEF et consacrent une journée spéciale : “Les enfants d’abord !”
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Alors que le photographe Mathieu Pernot a suivi une famille rom sur dix ans, la série primée Poupées de Neus Solà est consacrée aux femmes issues de la communauté gitane de Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. La photographe espagnole s’est plus spécifiquement intéressée à la trajectoire de jeunes femmes au cœur de cette communauté patriarcale, celles-ci passant bien souvent du statut de petite fille à celui d’épouse sans réelle transition.
Leurs derniers instants d’insouciance sont de véritables moments de grâce, mais les paillettes et sourires parent une réalité amère : “La loi gitane doit être suivie pour être acceptée dans la communauté : les filles doivent se marier vierges et les liens familiaux sont indestructibles”, explique la photographe avant d’ajouter que les tests de virginité ne sont pas si rares.
© Neus Solà
Les parents de ces jeunes filles cherchent à les marier dès qu’elles ont 15 ans : “Le mariage marque un avant et un après dans la vie d’une femme gitane. À ce moment, la femme quitte sa maison pour aller s’installer dans la maison de ses beaux-parents, jusqu’à la naissance de son premier enfant.”
Féminité exacerbée
La série cherche également à montrer les codes d’une ultra-féminité à rebours de ce qui se passe dans une grande partie de la France : “Les standards de beauté parmi les jeunes femmes gitanes sont les cheveux longs, un maquillage visible, des talons hauts, des bijoux en or et des robes très colorées. Une fois mariée, la femme devient plus discrète, par respect pour son mari.”
© Neus Solà
Cette vision opulente de la beauté traduit pourtant une évolution des modes de vie gitans :
“Les jeunes filles, sont influencées par d’autres modes de vie, et tentent de se rendre plus visibles, de manière plus provocante, pour trouver un bon mari. Certaines communautés gitanes sont plus traditionnelles que d’autres. Par exemple, le quartier Saint-Jacques, dans le centre de Perpignan, est plus ouvert car constamment au contact de populations non-gitanes.”
Intégrer les communautés gitanes
© Neus Solà
Poupées est ainsi le fruit d’un travail de trois ans, un temps nécessaire pour s’intégrer dans la communauté gitane, de créer des liens. En 2015, la photographe a déménagé à Perpignan pour être au plus proche de son sujet, et a gagné petit à petit la confiance des habitant·e·s : “La culture gitane est très forte mais aussi très hermétique. Son passé tumultueux de génocide et de multiples persécutions ont formé une identité gitane forte et une fierté.”
Mais comment documenter sans juger ? Neus Solà, qui décrit ses séries comme des “nomad stories” dans sa biographie Instagram, confie :
“Je me sens nomade dans ma façon de vivre la photographie. D’un point de vue anthropologique, mes sujets ont tendance à représenter des communautés distantes et différentes, donc je me sens comme une migrante. Mon travail me permet de dépasser les limites imposées par les préjugés, et me permet de m’ouvrir à de nouvelles choses.”
© Neus Solà
Toutefois, son travail sur les Gitan·e·s de Perpignan n’est pas tout à fait fini :
“Mon intention est de continuer à travailler avec les communautés pour un projet photo participatif avec les jeunes filles, pour créer un espace d’expérimentation, de connaissance de soi à travers l’image, en s’affranchissant des hiérarchies souvent établies entre le regard du photographe et la réalité du sujet photographié. Je pense que cet atelier achèvera de donner du sens à mon projet.”
© Neus Solà
© Neus Solà
© Neus Solà
© Neus Solà
© Neus Solà