Le paradoxe Ally
La scène culte : Barry White dans les toilettes
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Le ton résolument décalé d’Ally McBeal a vite fait son succès. Un des running gag du show consiste à faire interagir les hommes et les femmes dans les toilettes mixtes, un lieu qui devient alors non genré. Dans cet espace, chacun·e parle de ses problèmes, se fait surprendre par d’autres en train de danser ou de tenter de se recomposer une attitude. L’étrangeté, la drôlerie et la bienveillance du show sont condensées dans ces toilettes. Il y a évidemment d’autres lieux emblématiques dans la série, comme le bar de l’entreprise, qui a vu passer de nombreux artistes en guest, à commencer par la musicienne officielle d’Ally McBeal, Vonda Shepard.
Mais aussi un certain Barry White, en cadeau d’anniversaire à John Cage, dont la chanson “You’re the First, the Last, My Everything” est le mantra personnel. La star de la soul représente à merveille l’esprit de la série. Ses chansons sont régulièrement utilisées pour ces fameuses danses de la joie dans les toilettes de la firme. Ally McBeal est une série qui aime passionnément la musique. Au point d’embaucher des artistes comme Josh Groban ou Jon Bon Jovi comme acteurs ou a contrario de faire chanter ses comédiens de formation, comme Robert Downey Jr. ou Jane Krakowski (aka l’extravagante secrétaire Elaine).
Les héritières
Ally McBeal est une série difficile à mettre dans une case, elle pioche dans plusieurs genres et c’est ce qui fait tout son charme. Son créateur, David E. Kelley, a donné vie à d’autres séries judiciaires comme les excellentes Boston Legal ou The Practice, mais qui manquent de la personnalité empathique et fantasque de son héroïne.
La série s’est révélée sans nul doute une précurseuse du genre de la “dramédie surréaliste”, qu’on a retrouvée des années plus tard dans des séries comme Scrubs ou Man Seeking Woman, portées aussi par des weirdos attachant·e·s. Man Seeking Woman raconte avec mordant la solitude moderne d’un jeune homme fraîchement largué par sa copine, et Scrubs, plus frontalement comique, se penche sur les déboires d’une équipe d’internes en médecine, menée par le rêveur J.D. (Zach Braff), avec lequel Ally se serait sûrement bien entendue ! Les deux séries partagent un amour particulier pour la musique.
Le drama judiciaire The Good Wife peut aussi être considéré comme un autre héritier, même s’il est moins fantaisiste et porte un regard plus appuyé sur la société américaine. Mais tout de même, les deux shows ont en commun de plonger dans le milieu des avocats, de recourir régulièrement à l’humour, de mettre en scène une femme qui arrive dans un nouvel environnement de travail et y retrouve un amour de jeunesse. D’ailleurs, pour Ally comme pour Alicia (étrange proximité de leurs prénoms), le “grand amour” de leur vie est interdit et volera en éclats de la même façon. Will est terrassé en plein tribunal, comme Billy, mais pour d’autres raisons. Morale de l’histoire : si tu veux réussir dans la vie et t’épanouir en tant que femme, renonce à ce concept fantaisiste du “grand amour” inventé par Hollywood. Mais ne te prive pas d’aimer.