Dans une petite exposition présentée dans sa partie muséale, l’Institut du monde arabe revient sur des livres faits à la main, des estampes et des objets en céramique façonnés par l’artiste Shafic Abboud qui a partagé sa vie entre Paris et le Liban.
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“En peinture, c’est comme dans le monde : on n’écrit pas l’histoire, puis on s’applique à la réaliser. Non. On vit, fait des guerres, des paix, des merdes et après on fait l’histoire. C’est comme ça en peinture et après on la comprend ou même on se passe de la comprendre ! Et on ne s’en porte que mieux”, disait le peintre Shafic Abboud reconnu pour ses toiles abstraites.
Shafic Abboud, La Fenêtre, 1976. (© Courtesy of Christine Abboud)
Né en 1927 au Liban, il décide à l’âge de 20 ans de partir à Paris afin de poursuivre sa formation artistique au grand dam de son père qui l’imaginait poursuivre des études plus conventionnelles. Nous sommes en 1947, Paris est alors considéré comme la capitale mondiale des arts, et Saint-Germain-des-Prés comme le centre du monde, mais l’hiver dans la capitale apparaît comme un “cauchemar noir” pour l’apprenti peintre.
Shafic Abboud parvient néanmoins à trouver sa place. Il travaille dans les ateliers de Metzinger, Othon Friesz, Fernand Léger et d’André Lhote, où il rencontre chez ce dernier d’autres artistes qui, comme lui, ont quitté leur pays pour vivre de leur art. Il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts où il étudie la peinture, la gravure et la lithographie avec Heuzé, Goerg et Jaudon.
Shafic Abboud, Déjeuner à l’atelier, 1973. (© Courtesy of Christine Abboud)
Commence ensuite un aller-retour permanent entre Paris et le Liban, deux territoires qu’il ne cessera jamais de peindre et d’éblouir de ses couleurs. Tiraillé tout au long de sa vie entre les deux pays, les deux cultures, les deux langues (le français et l’arabe), il écrira dans l’un de ses carnets : “Je ne suis plus libanais, je n’arrive pas à être français. Nationalité : étranger, et en général je m’en porte très bien.”
Cet artiste, pour qui la peinture était d’abord une nécessité première, un besoin vital, peindra beaucoup les lieux, les éléments et les moments de vie de son quotidien à Paris : son atelier, les cafés qu’il fréquente ou encore sa leçon d’arabe.
Shafic Abboud dans son atelier, Paris, 1973. (© Courtesy of Christine Abboud)
Joseph Tarrab, un célèbre journaliste culturel au Liban, écrivait à propos de Shafic Abboud : “Ses tableaux sont donc des pages de son journal intime, des photos d’album privé, et sa peinture est l’histoire de ses sensations […]. Peinture hédoniste de désir accompli, de plaisir, de jouissance, de profonde satisfaction et d’identification avec les êtres et les choses que celle de Shafic Abboud.” Le peintre composera également de nombreuses toiles inspirées du Liban, notamment de la nostalgie que lui évoque ce pays.
Shafic Abboud ne sera pas que peintre, il sera aussi conteur, graveur, sculpteur, céramiste, tapissier. Il fabriquera même une lampe ou encore une boîte de cinéma à sa fille Christine, qu’il intitulera “Cinéma Christine”. Ce sont tous ces différents visages de l’artiste que l’Institut du monde arabe (en collaboration avec sa compagne, Michèle Rodière) présente principalement dans “Shafic Abboud intime”. L’exposition nous plonge dans son intimité et nous transporte au plus près de lui.
Shafic Abboud, Cinéma Christine.
© Courtesy of Christine Abboud
Shafic Abboud, Les Gestes du matin n° 4, 1984. (© Courtesy of Christine Abboud)
Shafic Abboud, Le Pays chaud, 1970. (© Courtesy of Christine Abboud)
Shafic Abboud, L’Atelier, 1973. (© Courtesy of Christine Abboud)
Shafic Abboud dessinant, Liban, 1969. (© Courtesy of Christine Abboud)
Shafic Abboud, Cinéma Christine.
Shafic Abboud, L’Aube, 2003. Cette œuvre faisait partie de l’exposition “Lumières du Liban” à l’Institut du monde arabe, Paris.
“Shafic Abboud intime”, une exposition à voir à l’Institut du monde arabe, jusqu’au 13 février 2022.