Depuis ce vendredi 2 décembre, des adolescents étrangers se sont installés, avec des associations, devant le Conseil d’État parisien afin d’alerter sur leur situation et de leur donner accès à des hébergements d’urgence. Cela faisait plus de six mois que plus de 450 mineurs non accompagnés tentaient de survivre sur un campement situé à Ivry-sur-Seine.
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Selon le Défenseur des droits, “les mineurs non accompagnés doivent bénéficier d’une prise en charge conforme à leurs besoins et à leur intérêt supérieur”. Disposant de papiers ou pas, “ils doivent être assurés du respect de leurs droits les plus fondamentaux, tels que le droit à l’identité, à l’éducation, à la santé, aux loisirs”. Afin de ne pas s’encombrer de ses devoirs, l’État français refuse de reconnaître la minorité de ses jeunes. Problème : le SAMU, de son côté, refuse d’héberger des jeunes de moins de 18 ans, sachant qu’ils sont censés être sous la responsabilité de l’État.
Une partie des jeunes qui étaient à Ivry-sur-Seine ont été reconnus mineurs à l’issue de recours, “révélant de ce fait des erreurs d’évaluation aux lourdes conséquences”. Les autres adolescents sont livrés à eux-mêmes tandis que les préfectures évitent le dialogue. De plus, les associations Midis du MIE, Médecins Sans Frontières, Tara, Timmy – Soutien aux Mineurs Exilés et Utopia 56 – qui accompagnent ces mineurs isolés – rapportent que leurs demandes d’échanges avec Charlotte Caubel, actuelle secrétaire d’État à la protection de l’enfance, sont restées sans réponse.
Étant donné qu’“aucune solution concrète n’a été avancée à ce jour en tentant la voie du dialogue avec les autorités publiques”, les jeunes et des associations tentent de se faire entendre en “manifestant publiquement leur détresse”. Place du Palais-Royal, entre le Louvre, la Comédie-Française, les grands hôtels et restaurants du centre parisien, ces adolescents dorment à trois dans des tentes deux places trempées, sans toilettes, ni parents ou famille sur qui s’appuyer.
“C’est un déni absolu de la souffrance humaine”
Nous avons joint Espérance M., fondatrice de l’association Timmy – Soutien aux Mineurs Exilés. Elle sortait d’une réunion inter-associative avec le maire d’Ivry-sur-Seine, qui leur transmettait les propositions préfectorales. Ces dernières restent bancales, sorties du chapeau afin de calmer l’emballement médiatique causé par la vision douloureuse de ces jeunes qui fait tache dans un Paris de carte postale.
Il serait question, sans “aucune garantie sur le nombre de places ou la pérennité des hébergements jusqu’à la fin des procédures des jeunes”, de mises à l’abri en gymnase. Des mises à l’abri qui ne déboucheraient pas forcément sur des logements adaptés – sachant que les associations présentes demandent “l’assurance de relogement rapide dans un cadre hôtelier”.
Elles s’inquiètent également d’éventuelles remises à la rue une fois que les jeunes seront redevenus invisibles pour l’œil du public, en gymnase. Accepter ces propositions ne pourrait faire que retarder leur retour à la rue, mais il est impensable de les laisser souffrir plus longtemps dans le froid. Douze adolescents ont déjà été emmenés par les pompiers, “à cause d’hypothermie, d’engelures, d’un état d’épuisement général”. “C’est vraiment une crise humanitaire qu’on est en train de vivre”, soupire Espérance M.
Sur place, “les jeunes entendent des rumeurs de tous les côtés sur de potentielles mises à l’abri qui risquent de semer la pagaille”. Si les bénévoles se succèdent pour tenir compagnie aux jeunes, réceptionner les dons, servir des repas et des boissons chaudes et que certain·e·s passant·e·s s’inquiètent du sort de ces jeunes, d’autres viennent déverser leur haine et leur agressivité au milieu des tentes.
Le premier soir du campement, vendredi, des policiers en civil sont entrés dans le cercle formé par les jeunes et les associations afin de les faire sortir de la place et d’essaimer le regroupement. “Ils circulaient, leur disaient qu’il y aurait du café et des couvertures de l’autre côté de la rue.”
“C’est un déni absolu de la souffrance humaine, tous les moyens sont bons pour essayer de disperser le campement. Ce n’est pas une opération de comm’ mais une vraie opération humanitaire, ces jeunes sont en train de mourir sur place, littéralement”, poursuit Espérance M. Cette dernière rappelle que, malheureusement, les jeunes de Palais-Royal ne sont pas les seuls dans cette situation et que de nombreux·ses mineur·e·s isolé·e·s en recours subissent les mêmes préjudices sur le reste du territoire. En sus, il est indispensable que “la présomption de minorité soit respectée et que tous ces jeunes soient protégés et scolarisé le temps de leur recours – qui peut durer des semaines, voire des années”, conclut-elle.
Edit du mardi 7 décembre 2022 : La préfecture du Val-de-Marne (où étaient initialement installés les jeunes) a demandé lundi 5 décembre la mise à l’abri des mineurs non accompagnés depuis le campement d’Ivry-sur-Seine, “sous le pont Mandela, où il n’y a plus de tentes et où ils ont été invisibilisés pendant six mois, sans qu’aucune proposition ne leur soit faite, malgré les nombreuses alertes des associations”.
Ce matin, les centaines d’adolescents sont donc montés dans des cars, sans savoir où ils allaient. Très attendue – et tandis que les jeunes dormaient dans des nuits de plus en plus froides –, cette mise à l’abri ne représente qu’une solution temporaire, précise bien les cinq associations, “qui ne saurait remplacer la mise à disposition pour l’ensemble des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire français de places d’hébergement adaptés et pérennes au sein des dispositifs de protection de l’enfance”.
Vous pouvez retrouver des informations sur le sujet grâce aux associations suivantes : Midis du MIE, Médecins Sans Frontières, Tara, Timmy – Soutien aux Mineurs Exilés et Utopia 56.