La mathématicienne ukrainienne Maryna Viazovska, distinguée mardi par la médaille Fields, la plus prestigieuse dans sa discipline, a vu sa “vie changer pour toujours” avec l’invasion de son pays par la Russie.
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“Je viens de Kyiv, en Ukraine et, en février, ma vie a changé pour toujours. Pas seulement la mienne, mais celle de tout le monde et particulièrement des gens de mon pays”, a dit la lauréate de 37 ans dans une courte vidéo accompagnant la remise de son prix à Helsinki.
Ses parents et sa sœur vivaient à Kyiv et, quand la guerre a éclaté, elle “ne pouvait plus penser à rien d’autre, y compris les mathématiques”. Elle dit alors avoir réalisé “à quel point” elle s’était trompée en tenant la paix pour acquise. Elle a utilisé la concentration nécessaire à son enseignement pour “oublier la peur et la peine” qu’elle éprouvait.
Maryna Viazovska est professeure de mathématiques en Suisse, à l’École polytechnique de Lausanne (EPFL) où elle tient la chaire de Théorie des nombres depuis 2018. Elle est la deuxième femme seulement, après l’Iranienne Maryam Mirzakhani en 2014, à recevoir une médaille Fields depuis la création du prix en 1936.
Sa récompense, décidée avant la guerre par le Comité exécutif de l’Union mathématique internationale, couronne un parcours entamé à l’Université Taras-Chevtchenko à Kyiv. Elle l’a poursuivi dans les universités allemandes de Kaiserslautern et Bonn, ainsi qu’à l’Institut français des hautes études scientifiques (IHES) près de Paris.
Elle travaille sur un problème vieux de plusieurs siècles, celui de l’optimisation de l’empilement compact de sphères. Ce problème dit du “marchand d’oranges” taraude les mathématiciens depuis le XVIe siècle, lorsque s’est posée la question de l’empilement le plus dense possible des boulets de canon.
Récompensée grâce à “la formule magique”
L’empilement se complique quand on passe à des dimensions mathématiques plus grandes que l’espace en trois dimensions. Et dans la dimension 8, il se passe une chose remarquable, une sorte de symétrie parfaite.
“Les mathématiciens se cassaient les dents sur le problème depuis plusieurs décennies. Même les plus grands spécialistes avaient renoncé”, dit à l’AFP Renaud Coulangeon, maître de conférences à l’Université de Bordeaux.
Maryna Viazovska a réussi un “tour de force” en trouvant “la preuve magique” de l’empilement optimal dans cette dimension, grâce à des idées nouvelles, se souvient ce mathématicien.
“C’était une vraie surprise”, renchérit Philippe Moustrou, maître de conférences à l’Université de Toulouse, saluant “le regard neuf” de la mathématicienne. “Ce n’est pas comme si elle avait trouvé quelque chose qui n’attendait qu’à être découvert : elle a trouvé l’ingrédient supplémentaire, d’une vraie beauté.”
Maryna Viazovska a expliqué que sa “contribution a été de fournir une formule explicite à la fonction magique, qui m’a demandé 13 ans de travail pour sa découverte”.
Elle a dédié un cours à une jeune mathématicienne et informaticienne, Yulia Zdanovska, qui avait eu les mêmes professeurs qu’elle. La chercheuse a dit de Yulia qu’elle “était une personne lumineuse, dont le grand rêve était de devenir professeure de mathématiques. Elle a été tuée dans une attaque de missiles à Kharkiv dans les premiers jours de la guerre. Quand quelqu’un comme elle meurt, c’est comme l’avenir qui meurt”.
“Le fait que des rêves comme ça ne se réalisent pas est terrible”, a confié la chercheuse à l’AFP. “Nous pensons au grand avenir que nous pouvions espérer, et à ce que la guerre nous a volé”, a ajouté la récipiendaire.
Konbini avec AFP.