Je suis venue de Côte d’Ivoire à 15 ans pour rejoindre mon oncle. Je suis arrivée en France en traversant la Méditerranée avec un passeur. On est passés par la Libye, l’Italie. On était plusieurs filles, on restait ensemble, on se soutenait mutuellement. Une fois arrivées, chacune est partie de son côté. J’ai appelé mon oncle, il a dit à une personne que je ne connaissais pas de me mettre dans un train et je suis arrivée à Paris. C’est pour ça que je n’ai pas de papiers.
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Quand je suis arrivée, j’avais mon passeport ivoirien, mais pas de titre de séjour. Ça complique beaucoup de choses, parce qu’en France, ils aiment trop les papiers.
Impossible de se soigner
Pour l’Assurance maladie par exemple, je n’ai ni carte Vitale ni CMU (couverture maladie universelle). Parce que même pour avoir la CMU, il faut être en situation régulière. Du coup, tu n’es pas pris en charge quand tu tombes malade, et tu es obligé de payer les médicaments cher. Alors, je n’en achète jamais. Quand j’ai mal quelque part, c’est mon oncle qui doit aller en acheter pour moi.
Une fois, je devais faire une IRM cérébrale, mais comme ça coûtait trop cher et que je n’avais pas la carte Vitale, je n’ai pas pu la faire. Heureusement, la douleur s’est estompée avec le temps. Je n’ai jamais pris la carte de quelqu’un d’autre, parce que c’est illégal et puis c’est très sécurisé. C’est un risque que je ne veux pas prendre.
Je ne tombe pas malade parce que je sais qu’en cas de problème, je ne peux pas me soigner. Je peux quand même aller aux urgences, mais je dois payer cash. Une fois, j’y suis allée, et la consultation coûtait 400 euros avec les examens. On a dit “OK”, mais on n’est jamais revenus pour faire les examens. Tu ne peux pas faire de consultations gratuites ici en France. Je n’ai pas le choix, mais je trouve que c’est injuste. Tout le monde devrait pouvoir se soigner, même sans papiers. On pourrait par exemple, payer plus tard, nous laisser le temps de régulariser notre situation et rembourser nos frais ensuite.
Impossible de travailler
Quand tu n’es pas régularisé, tu n’as pas le droit de tout faire. Je ne peux pas envisager de travailler si je ne suis pas en règle. Quand tu vas à un entretien d’embauche, on te demande obligatoirement un titre de séjour, la carte Vitale, ta carte d’identité ou encore un passeport. Mais moi, je vais devoir vite travailler, parce que je dois envoyer de l’argent au pays. Mon père, ma mère et mes frères sont toujours là-bas et ils comptent sur moi. Ma demande de régularisation est en cours et ça devrait le faire parce que je suis scolarisée. Je veux d’abord passer mon bac et travailler ensuite.
Je ne trouve pas ça juste que les sans-papiers ne puissent pas travailler. Déjà, il faut savoir qu’ils travaillent quand même, mais avec les papiers des autres. Le problème, c’est que ça les empêche de vivre normalement, d’être régularisés, parce qu’ils n’ont pas de fiche de paie à leur nom, donc les entreprises en profitent. En plus, ils sont obligés de donner une partie de leur salaire à ceux qui leur prêtent leur nom.
Je crains un peu de ne pas obtenir de titre de séjour, mais je me concentre sur mes études. Coûte que coûte, j’y arriverai, ça va le faire.
Je m’inquiète pour plus tard. Après tous les efforts que j’ai fournis, si je ne suis pas régularisée, je ne pourrai pas travailler. Et tout ça n’aura servi à rien.
Amina, 17 ans, lycéenne, Paris
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.